Pour une paix stable dans le Caucase

La guerre de Karabakh s’approche de sa fin en créant une nouvelle réalité dans le Caucase. Tout d’abord, il faut reconnaitre que c’est une réalité de paix et après cela, il ne reste plus qu’un foyer de conflit non résolu, c’est l’ensemble des territoires géorgiens occupés par la Russie. En tenant compte que les rapports de forces sont grandement disproportionnés, pour l’instant, la Géorgie n’est pas en capacité de libérer ses territoires arrachés et d’assurer ainsi la création d’une paix durable dans le Caucase. Il est pour autant possible de prédire le règlement de ce conflit dans le proche avenir.

Les campagnes militaires menées depuis le 27 septembre dernier, en vue de résoudre le  conflit de Karabakh n’est pas loin de finir et la phase de pourparlers longs pour construire le pilier politique de la paix apparait à l’horizon. Dans cette phase de pourparlers, il y aura de nouveaux acteurs et certains parties prenantes du processus de création de paix seront enlevées de la liste. Les négociations de paix ne seront plus aussi tendues qu’elles étaient, puisque le fait d’occupation est désormais éliminé. L’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan est presqu’assurée. Quant à la paix, elle doit se renforcer avec un traité politique à signer entre les 3 pays du Caucase, à savoir, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Le processus d’instauration de la paix durera longtemps, mais il n’y a qu’un seul pays dont les intérêts nationaux nécessitent que ce ne soit pas trop long non plus et ce pays, c’est l’Arménie.

Pourquoi l’Arménie devrait avoir l’intérêt à ce que le processus de paix soit accéléré ?
Il y a plusieurs raisons importantes pour cela. D’abord, la Russie perd désormais son rôle de garant du développement politique et économique de l’Arménie. Du moins, les arméniens n’y ont plus confiance. Or, sa dépendance vis-à-vis de la Russie reste encore très forte. Tant que les négociations de paix ne sont pas finalisées, cette dépendance conservera son intensité. Alors le processus de paix doit permettre à l’Arménie de mettre fin à cette étape et de trouver une réponse : l’Arménie choisit-elle de rester sous influence de la Russie dans le Caucase ou préfère-t-elle une orientation politique indépendante ? L’Arménie doit restaurer la confiance mutuelle avec les pays de la région, comme la Turquie et l’Azerbaïdjan et doit se créer des perspectives pour un développement économique. Le niveau de ses relations avec la Turquie et l’Azerbaïdjan déterminera également la qualité de ses relations bilatérales avec la Géorgie. Cette dernière est un pays qui a bâti des relations d’alliance stratégique avec la Turquie et l’Azerbaïdjan et ses rapports avec la Russie restent tendues. De ce fait, la Géorgie tiendra obligatoirement compte de tous ces facteurs dans ces liens avec l’Arménie.
De l’autre côté, l’Iran perd son rôle de donneur principal pour l’Arménie. En effet, au nord de l’Iran, dans une zone assez large, près de 30 millions d’azéris vivent dans un territoire connu comme « l’Azerbaïdjan du Sud », en tant que de simples citoyens iraniens. Ces derniers se sont activés comme un sérieux mécanisme de pression sur le régime iranien, tout au long de la dernière guerre. Avoir des relations proches avec une Arménie qui ne veut pas de paix avec l’Azerbaïdjan, peut faire naitre des difficultés en Iran venant de l’intérieur. En plus de cela, nous savons qu’il y a un régime qui avance vers sa fin et ce régime sera obligé d’aborder le facteur azerbaidjanais avec beaucoup de délicatesse.
Les relations attendues entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
Le premier article du traité de paix à signer entre ces 2 pays sera ou doit être dédié à la reconnaissance mutuelle des frontières. C’est seulement après cela que les questions sur l’installation des arméniens dans le Karabakh, leurs droits, les particularités liées à leur identité peuvent être abordées.

– Dans ce contexte, l’Arménie ne doit plus voir les arméniens du Karabakh comme un moyen de provocation contre l’Azerbaïdjan et dans le territoire de ce dernier

– Ce n’est pas sur l’ensemble des territoires azéris, mais uniquement dans le Karabakh que l’on doit discuter les conditions de la présence des arméniens (puisqu’en Azerbaïdjan il y a actuellement 30 000 arméniens qui ne sont pas porteurs des idées de la politique sécessionniste)

– Pour un retour à la maison des arméniens karabaghiotes, il est nécessaire de construire la confiance. L’une des conditions fondamentales de cette confiance est liée au destin des azéris chassés de l’Arménie avant le début de la 1ère guerre (1988-1994). Alors qu’au Karabakh vivaient 140 000 arméniens au début du conflit, 250 000 azéris citoyens de l’Arménie avaient dû quitter leurs maisons pour éviter la persécution et venir se réfugier en Azerbaïdjan

– L’Arménie devra accepter ses responsabilités sur les territoires occupés, en dehors du Haut Karabakh. En effet, l’Arménie avait occupé 7 régions avoisinantes du Haut Karabakh pour assurer un tampon de sécurité pour 140 000 arméniens karabaghiotes et ce, en chassant 750 000 azéris habitants de ces 7 régions. Dans cette zone tampon, des centaines de milliers de maisons, de bâtiments industriels et d’habitation avaient été détruits et selon les premières estimations, le coût total de ces dégâts serait de 70 milliards de dollars. L’Arménie ou les pays qui se présentent comme ses garants seront-ils d’accord de compenser les dégâts laissés et prendront-ils l’engagement de les rembourser ? Dans le cas où l’Arménie ou le groupe de pays qui s’alignent à ses côtés pour défendre ses intérêts n’acceptent pas les responsabilités évoquées pendant les négociations, la compensation de ces dégâts devra faire l’objet des enquêtes menées par les Tribunaux internationaux.

-Pourquoi il est important d’avoir des relations normalisées avec l’Azerbaïdjan et la Turquie ?
Un activiste social et metteur en scène arménien, Giorgi Vanyan, a récemment déclaré que « l’Azerbaïdjan doit être l’allié stratégique le plus proche de l’Arménie ». Il est certes, possible de voir qu’il y a beaucoup d’accusations à son encontre dans son pays, à cause de ses propos, mais il est quand même nécessaire d’aborder cette question avec du pragmatisme. Les dernières opérations militaires ont couté à l’Arménie 3 milliard de dollars. Pour un pays dont le budget national est de 4 milliards de dollars et la réserve de devises étrangères est de 6 milliards de dollars, le risque est élevé et les conséquences de la guerre peut être dramatique. Il est nécessaire de restaurer l’économie. Non seulement, il faut la restaurer, mais aussi la faire développer de manière durable. Il n’est pas possible d’y arriver dans les conditions actuelles d’isolation. L’absence de voisinage direct avec la Russie, les relations semi-cachées et craintives avec l’Iran, du fait des sanctions en vigueur contre ce dernier, les aides probables venant de l’Europe et des Etats-Unis ne suffiront pas non plus. Sans reconnaitre l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, l’Arménie n’a aucun espoir que les corridors de transport traversent l’Arménie. C’est valable pour la Turquie également. Rester perpétuellement en rapport tendu avec ces 2 pays voisins ne promet pour l’Arménie rien d’autre qu’une crise pérenne au sens économique et sociale du terme. De manière générale, il est impossible de garantir la sécurité et le développement d’un pays tout en portant des prétentions territoriales ouvertes ou dissimulées sur ses voisins (dont la Géorgie qui a une région majoritairement peuplée d’arméniens, Javakhetie). Pour ces raisons, l’Arménie doit complétement arrêter de jouer sur sa scène politique les cartes qui servaient à créer des guerres et des conflits, au lieu de la paix. Bien entendu, c’est ainsi que les politiques pragmatiques et les jeunes de l’Arménie vont créer un environnement politique éloigné des dogmes et des a priori. Dans ce cas-là, l’Arménie deviendra un partenaire de confiance de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et de la Géorgie. Il en résultera que les pays qui souhaitent de la paix, de la stabilité et du développement pérenne et durable dans cette région caucasienne, ne seront plus devant un choix vide de sens. C’est également la meilleure solution qui répond à la stratégie d’intégration et de rapprochement du Caucase à l’Europe.

 

Ganimat Zahid